Rachid Fetini fait du développement de sa région, Sidi Bouzid, où il est directeur du Centre d'affaires, une raison d'être. Il évoque ici les raisons de la colère d'une zone plus que jamais désertée par l'Etat
Pourquoi avez-vous récemment déclaré au journal Essahafa que les trois présidents n'étaient pas les bienvenus à Sidi Bouzid en ce 17 décembre 2013 ?
Parce qu'ils nous ont menti ! Deux ans auparavant, le 11 décembre 2011, ils étaient venus à Sidi Bouzid pour assister aux festivités du déclenchement de la révolution. En compagnie de deux autres hommes d'affaires, nous les avons rencontrés pour discuter des problèmes de développement de la région, parmi lesquels l'inextricable situation des terres domaniales. Bien qu'exploitées par des privés, à Sidi Bouzid, près de 90% des terres agricoles appartiennent à l'Etat. Ne possédant pas ces biens, les agriculteurs ne peuvent ni les vendre, ni les nantir, ni encore accéder aux crédits.
Ce qui freine sensiblement le développement d'un gouvernorat, dont l'activité principale reste pourtant l'agriculture ! Nous leur avons expliqué d'un autre côté le parcours du combattant que représente l'acte de changer la vocation d'une terre agricole en lot à caractère industriel afin de construire dessus une usine par exemple. Ce blocage a empêché les hommes d'affaire les plus motivés d'investir chez nous depuis la révolution. Ainsi, il y a une année, un entrepreneur de la région a acheté un terrain du côté de Bir El Hfay, afin d'y aménager une usine de fabrication de sérum.
Le projet devait employer 70 diplômés pour diriger des laboratoires, approvisionner en sérum toute la partie sud de la Tunisie et épargner au pays plusieurs milliards en devises, cette matière étant importée chez nous.
Le schéma de financement bouclé, les accords des banques également, au bout de plusieurs mois, l'homme s'est trouvé face à des procédures longues et compliquées et passant d'une institution à l'autre pour soumettre ses dossiers aux ministères de l'Agriculture, de l'Equipement, des
Domaines de l'Etat, de l'Environnement... Ne manquait que l'approbation du Tribunal de la Haye !
L'investisseur a fini par partir. Nous avions proposé dans le temps aux trois présidents d'accélérer, d'alléger et de décentraliser ces démarches en créant à cet effet une commission réunissant les différents ministères pour avaliser les projets au sein du gouvernorat. Aucun des trois n'a répondu à nos requêtes.
Vous défendez l'idée que le «refus» de tendre l'oreille aux revendications de Sidi Bouzid répondrait à un esprit de revanche vis-à-vis d'une région qui n'a pas voté massivement Ennahdha aux dernières élections du 23 octobre 2011...
Oui, en effet. Comment l'expliquer autrement d'autant plus que nos demandes n'avaient rien d'excessif. Ils ne veulent point d'investissement à Sidi Bouzid et surtout pas de la part de personnes originaires de la région.
Qu'en est-il de la centrale laitière programmée à Sidi Bouzid par la marque Délice quelques jours avant le départ de Ben Ali, en janvier 2011 ?
C'est le seul investissement valable chez nous et qui projette d'employer 300 personnes. La centrale couvrira tout le bassin laitier de la région du centre-ouest : Sidi Bouzid, Gafsa, Kasserine, Kairouan. Une zone connue pour une production laitière quantitativement et qualitativement des plus importantes du pays. Ce projet, en fait, s'imposait de lui-même. Il peut, par ailleurs, nous l'espérons bien, changer l'image de la région et inciter d'autres entrepreneurs à venir s'installer ici. Heureusement que le capital national privé prend des risques lorsque l'Etat a choisi, lui, de déserter la région depuis belle lurette. Que gardez-vous des festivités du 17 décembre dernier ?
La spontanéité de la réaction de la population lors de l'arrivée du président Marzouki, accueilli par des jets de pierres ! Un geste qui exprimait colère et désapprobation.
Autour de cette même date, deux comités d'organisation ont été créés cette année. Pourquoi ?
Tout simplement parce qu'une bonne partie de la société civile en accord avec l'Association du 17 décembre 2010, les bureaux régionaux de l'Ugtt et de l'Utica et le Front populaire, a décidé d'en faire une journée de colère et de deuil. En une année, Sidi Bouzid a payé le plus lourd tribut du terrorisme qui sévit depuis des mois dans notre pays en perdant le député Hadj Mohamed Brahmi en juillet dernier ainsi que deux soldats et deux policiers à Sidi Ali Ben Aoun, le 23 octobre 2013. Or, entre-temps, un comité s'est formé autour du gouverneur nahdhaoui pour organiser un vrai festival ponctué de spectacles de rap et d'humour !
Nous avons alors changé de stratégie : il ne fallait pas laisser un parti, quel qu'il soit, s'approprier la révolution ! Notre choix s'est alors dirigé vers des manifestations d'ordre politique, des échanges et une réflexion sur la démocratie participative, le caractère civil de l'Etat, les problèmes de développement de Sidi Bouzid. Des invités de marque y interviendront, comme Hassine Abassi, Hassine Dimassi, Fethi Chamkhi, Lotfi Ben Aïssa... Une marche pacifique est prévue, une cérémonie pour baptiser une des places de la ville du nom de Mohamed Brahmi, un hommage sera rendu aux deux veuves des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Pourquoi avez-vous récemment déclaré au journal Essahafa que les trois présidents n'étaient pas les bienvenus à Sidi Bouzid en ce 17 décembre 2013 ?
Parce qu'ils nous ont menti ! Deux ans auparavant, le 11 décembre 2011, ils étaient venus à Sidi Bouzid pour assister aux festivités du déclenchement de la révolution. En compagnie de deux autres hommes d'affaires, nous les avons rencontrés pour discuter des problèmes de développement de la région, parmi lesquels l'inextricable situation des terres domaniales. Bien qu'exploitées par des privés, à Sidi Bouzid, près de 90% des terres agricoles appartiennent à l'Etat. Ne possédant pas ces biens, les agriculteurs ne peuvent ni les vendre, ni les nantir, ni encore accéder aux crédits.
Ce qui freine sensiblement le développement d'un gouvernorat, dont l'activité principale reste pourtant l'agriculture ! Nous leur avons expliqué d'un autre côté le parcours du combattant que représente l'acte de changer la vocation d'une terre agricole en lot à caractère industriel afin de construire dessus une usine par exemple. Ce blocage a empêché les hommes d'affaire les plus motivés d'investir chez nous depuis la révolution. Ainsi, il y a une année, un entrepreneur de la région a acheté un terrain du côté de Bir El Hfay, afin d'y aménager une usine de fabrication de sérum.
Le projet devait employer 70 diplômés pour diriger des laboratoires, approvisionner en sérum toute la partie sud de la Tunisie et épargner au pays plusieurs milliards en devises, cette matière étant importée chez nous.
Le schéma de financement bouclé, les accords des banques également, au bout de plusieurs mois, l'homme s'est trouvé face à des procédures longues et compliquées et passant d'une institution à l'autre pour soumettre ses dossiers aux ministères de l'Agriculture, de l'Equipement, des
Domaines de l'Etat, de l'Environnement... Ne manquait que l'approbation du Tribunal de la Haye !
L'investisseur a fini par partir. Nous avions proposé dans le temps aux trois présidents d'accélérer, d'alléger et de décentraliser ces démarches en créant à cet effet une commission réunissant les différents ministères pour avaliser les projets au sein du gouvernorat. Aucun des trois n'a répondu à nos requêtes.
Vous défendez l'idée que le «refus» de tendre l'oreille aux revendications de Sidi Bouzid répondrait à un esprit de revanche vis-à-vis d'une région qui n'a pas voté massivement Ennahdha aux dernières élections du 23 octobre 2011...
Oui, en effet. Comment l'expliquer autrement d'autant plus que nos demandes n'avaient rien d'excessif. Ils ne veulent point d'investissement à Sidi Bouzid et surtout pas de la part de personnes originaires de la région.
Qu'en est-il de la centrale laitière programmée à Sidi Bouzid par la marque Délice quelques jours avant le départ de Ben Ali, en janvier 2011 ?
C'est le seul investissement valable chez nous et qui projette d'employer 300 personnes. La centrale couvrira tout le bassin laitier de la région du centre-ouest : Sidi Bouzid, Gafsa, Kasserine, Kairouan. Une zone connue pour une production laitière quantitativement et qualitativement des plus importantes du pays. Ce projet, en fait, s'imposait de lui-même. Il peut, par ailleurs, nous l'espérons bien, changer l'image de la région et inciter d'autres entrepreneurs à venir s'installer ici. Heureusement que le capital national privé prend des risques lorsque l'Etat a choisi, lui, de déserter la région depuis belle lurette. Que gardez-vous des festivités du 17 décembre dernier ?
La spontanéité de la réaction de la population lors de l'arrivée du président Marzouki, accueilli par des jets de pierres ! Un geste qui exprimait colère et désapprobation.
Autour de cette même date, deux comités d'organisation ont été créés cette année. Pourquoi ?
Tout simplement parce qu'une bonne partie de la société civile en accord avec l'Association du 17 décembre 2010, les bureaux régionaux de l'Ugtt et de l'Utica et le Front populaire, a décidé d'en faire une journée de colère et de deuil. En une année, Sidi Bouzid a payé le plus lourd tribut du terrorisme qui sévit depuis des mois dans notre pays en perdant le député Hadj Mohamed Brahmi en juillet dernier ainsi que deux soldats et deux policiers à Sidi Ali Ben Aoun, le 23 octobre 2013. Or, entre-temps, un comité s'est formé autour du gouverneur nahdhaoui pour organiser un vrai festival ponctué de spectacles de rap et d'humour !
Nous avons alors changé de stratégie : il ne fallait pas laisser un parti, quel qu'il soit, s'approprier la révolution ! Notre choix s'est alors dirigé vers des manifestations d'ordre politique, des échanges et une réflexion sur la démocratie participative, le caractère civil de l'Etat, les problèmes de développement de Sidi Bouzid. Des invités de marque y interviendront, comme Hassine Abassi, Hassine Dimassi, Fethi Chamkhi, Lotfi Ben Aïssa... Une marche pacifique est prévue, une cérémonie pour baptiser une des places de la ville du nom de Mohamed Brahmi, un hommage sera rendu aux deux veuves des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
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